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QUAND ÇA BLOQUE DANS LA CAPACITE DE DECISION

Ma réflexion du jour vient d’un long message vocal que j’ai reçu hier, émanant d’une jeune femme âgée de 35 ans environ, que nous appellerons Louise.

Cela fait déjà plusieurs mois, voire années, que Louise a des envies de changement dans sa vie mais sa capacité à prendre une décision est, disons-le avec quelques arrondis, perturbée, comme au point mort.

Elle se confronte comme une bonne majorité à des soucis conjugaux qui lui donnent parfois l’impression d’être sur une voie sans issue.

Sur ce sujet, c’est le « je suis dedans, je voudrais être dehors, mais je reste un pied dedans quand même ». Quand on visualise la situation, clairement c’est impossible d’avancer. C’est une autre histoire, mais c’est aussi un problème de prise ou non de décision.

Louise a des problèmes dans son travail. Elle est monitrice-éducatrice dans un centre pour jeunes. Jusqu’à il y a quelques mois, elle gérait un groupe d’adolescents en difficulté, mais après bon nombre de déboires avec des membres de l’équipe et des ados, elle a fini par flancher. Louise aurait tendance à invoquer un burn out, le docteur inscrit sur la feuille d’arrêt maladie « dépression réactionnelle ». En d’autres termes, tu déprimes et tu t’enfonces quand tu es confrontée à la situation perturbante et problématique, mais dès que tu t’en éloignes, avec l’aide parfois d’un traitement médicamenteux à plus ou moins court ou moyen terme, ça va nettement mieux.

On peut alors se poser, et se poser les bonnes questions. Nous en sommes là !

Louise passe son temps à s’interroger sur ce qu’elle veut, ou plutôt voudrait, et peut-être trouvons-nous là un fond de problème. Il y a toujours plusieurs fonds et sous fonds. Arrêtons-nous à celui-ci.

Ne pas savoir ce qu’on veut à l’instant présent et ne pas savoir se projeter et anticiper sur ce qu’on voudrait.

Bilan des opérations : Louise, pas très bien dans sa peau, plus globalement dans sa vie, rencontre par hasard un couple de personnes âgées qui lui parlent de leur fille. Ladite fille était ambulancière. Elle a tout plaqué (on ne sait pas quoi exactement) pour s’installer en Bretagne où elle a suivi une formation de maroquinerie, financée par une entreprise qui aujourd’hui, l’emploie en CDI. Les deux parents sont heureux pour leur fille (ça se comprend) pour qui tout se passe à merveille.

Là, ça s’impose, on se fait une petite pub « Ricoré » : « Le soleil vient de se lever, on est heureux de retrouver l’ami Ricoré … ». Pub de 1994, un petit bijou de mièvrerie, ça marque !

Louise se dit que si ça a marché pour cette femme, alors pourquoi pas moi. Cela pourrait relever effectivement d’une certaine logique positive. Mais il y a toujours un moment où je ne comprends pas Louise, sinon ça ne serait pas « marrant ».

Louise ne se dit pas : « Tiens ! Moi-aussi, je pourrais très bien trouver un projet qui me plait et me convient et de fait, adopter un nouveau mode de vie ».

Non ! Louise se dit : « Si ça a marché pour elle, pourquoi pas moi… Et si je faisais pareil ».

Désolée, Louise, de devoir écrire ça, mais on frôle l’absurdité !

Surtout quand dans son message vocal, Louise ajoute qu’elle n’aime pas trop la couture mais que bon, l’idée lui plait bien quand même. Nous devons nous rencontrer demain, elle veut mon opinion sur le sujet car dit-elle, tu me connais bien.

Louise, je te connais trop !!!

Oui, l’idée de faire autre chose, de se prendre en main, de suivre une formation, de partir, tout ça, ce sont de bonnes idées. Même partir sur un coup de tête pour s’installer en Bretagne pourrait être une bonne idée… Oui oui… à condition que cette idée soit la tienne, que cette idée ait eu le temps de germer en toi, de grandir, qu’elle ait un sens.

Ça pourrait être un vrai projet. Je veux faire de la maroquinerie. Perso, je n’y connais rien aux métiers de la maroquinerie mais je me renseigne de ce pas.

Description : Le métier de maroquinier/nière consiste à réaliser à la main ou à la machine des opérations telles que la coupe, la couture ou le collage, nécessaires à la fabrication d’objets en cuir et autres matériaux souples. Un métier accessible avec une formation délivrée directement dans l’entreprise.

Je passe les détails sur les qualités nécessaires, le sens du toucher, la précision, la rigueur, le sens artistique et pleins d’autres encore. Mais il en est une, primordiale, c’est d’avoir l’envie de faire ce métier. Ce n’est pas une qualité, me direz-vous, mais c’est quand même la première raison qui vous fera recaler lors d’un entretien de recrutement. La fameuse motivation.

L’artisanat, oui, tout le monde le peut, c’est à la portée de tous et toutes. Oui, bien sûr ! Mais s’il n’y a pas un peu de vocation derrière tout ça, s’il n’y a pas un peu d’envie, alors ça fleure bon l’échec, ou pire ça fait un métier manuel, chiant, fatiguant, usant, ennuyant, un métier qu’on fait par dépit et dont on se plaindra qu’il ne paie pas.

Revenons à Louise. Ton incapacité à prendre une décision te met sur des chemins qui peuvent ne pas être les tiens et cela, juste parce que d’un seul coup, la décision est déjà prise sauf qu’elle ne l’a pas été par toi.

Te concernant, ça relève de l’enthousiasme éphémère, une impulsion qui te booste. Mais cette impulsion, ce boost, ne durera que le temps d’une bougie ou d’un flambeau.

Je n’aime pas penser comme ça et pire encore, l’écrire, avec cette impression de suffisance d’avoir une réponse quand d’autres ne l’auraient pas. Certains diraient même, ironiquement « vas-y, c’est ça, décourage-la, pour qui te prends-tu ? ». Mais réellement, ça fait aussi partie de la prise de décision. C’est aussi pour cela qu’elle m’a contactée.

Voir toutes les facettes d’un projet, réfléchir sur le négatif pour en extirper le positif et décider.

On n’aide pas les gens dans leur démarche de recherche avec juste l’ami Ricoré. On les aide, voire on les aime, quand on les bouscule, quand on les pousse dans leurs retranchements, quand on les met face à leur propre faiblesse. Ce n’est pas si facile car parfois, souvent même, cela consiste à montrer la paille dans l’œil de son voisin (autrui en l’occurrence), et pas la poutre dans le sien (ici, c’est moi).

Le danger est aussi d’ébranler la confiance en soi, donc oui, il faut vraiment y aller avec des pincettes, sinon il vaut mieux se taire et passer son chemin.

Il y a quelques années, Louise a eu un projet. A ce moment-là, beaucoup lui aurait dit qu’il était un peu fou, en tout cas au-dessus de ses capacités, mais Louise, c’est ça qu’elle voulait. Valider un diplôme de monitrice-éducatrice par le biais d’une VAE (validation des acquis de l’expérience). Elle a sollicité les aides et les soutiens autour d’elle, en actionnant les leviers nécessaires. Elle avait aussi parfaitement conscience de ses propres lacunes. On y revient toujours, sur l’importance de bien connaître ses faiblesses avant de démarrer un projet. Cela fut long et laborieux mais le rapport fut rédigé, la soutenance préparée et bien menée, et le diplôme obtenu. Bingo ! Bravo !

C’est après, que Louise repart dans ses égarements. Oui, c’est ça le mot, je le tiens enfin, l’égarement. Louise s’égare.

Louise a un diplôme de monitrice-éducatrice qu’elle a obtenu d’arrache-pied mais parmi les propositions d’embauche qui s’offrent à elle, elle choisit un poste d’auxiliaire scolaire, à cause, dit-elle, des commodités des vacances scolaires. Ce poste d’auxiliaire en école, c’est ce qu’elle a fait quand elle a commencé à travailler. Donc, ça s’appelle bien un retour en arrière.

Pourquoi alors, avoir passé ce diplôme ? 

Bien sûr qu’il te fallait ce diplôme pour régler des comptes avec toi-même, montrer que tu en étais capable, passer un niveau. On connait l’histoire, mais ça ne peut pas être suffisant. Ça n’est jamais suffisant. C’est classique, quand tu fais quelque chose uniquement pour plaire à quelqu’un, ton père, ta mère, ton mentor ou n’importe qui d’autres… Ça n’est jamais assez. Et surtout ! Ça n’est pas ça, la solution.

Ici, nous rappellerons une petite règle de base : faire les choses pour soi-même, ou plus exactement, et nous passons au niveau 2 de la petite règle de base : être son unique baromètre quant à ses choix de vie.

Instant-culture : Le rôle d’un baromètre. Le baromètre est un outil de mesure de la pression atmosphérique. Qu’est-ce que la pression atmosphérique ? L’air présent sur la Terre exerce une force sur le sol, c’est donc cette force que l’on appelle ainsi. Le poids de l’air serait de 10 000 kg par m² au niveau de la mer.

Ok ! Facile à dire ! Le baromètre, faire ses choix pour soi-même, la pression exercée sur le sol, sa mesure. On continue.

Observons les étudiants en école supérieure, université ou autre. Ou plutôt renseignez-vous sur les motivations des uns et des autres.

Il y a ceux qui ont très bien assimilé que pour gagner plus et avoir un poste de manager par exemple, il faut faire des études, aller dans telle ou telle école. La question reste pourtant la même. Était-ce son choix ou celui de ses parents ? Son appétence ou les traditions ? A chacun d’y voir ce qu’il veut !

Il y a ceux qui se sont inscrits en fac car c’est ce qu’on fait après le bac, mais qui ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent.

Certains ont consulté des heures durant le site de l’ONISEP ou celui du CIDJ, étudié toutes les fiches métiers, fait tous les tests de personnalité. « Ah oui, c’est vraiment moi, je suis à l’écoute, j’aime le mouvement et l’imprévu, j’aime les animaux. C’est tout à fait moi ! ».  La proposition finale est directrice d’une association de défense des animaux, bouchère ou vétérinaire. « Je vais choisir vétérinaire ». Oui. Sauf que vétérinaire, c’est 6 ans de formation minimum et vétérinaire, ce n’est pas que caresser un petit chien.

Je m’arrête là sur le sujet du vétérinaire, mais vous voyez où je veux en venir.

À la réalité des choses.

Louise, ça ne m’étonnerait pas que tu aies un jour imaginé devenir vétérinaire, ou pour le moins auxiliaire vétérinaire.

Mais j’y pense ! Tu as été aide-soignante. Ok, ça n’est pas la même chose, et en plus je sais pertinemment que c’est ta situation familiale qui t’a menée là. On y revient. Si on choisit un projet par dépit, on peut toujours s’en sortir en réagissant et en faisant ce qu’il faut.

Du style de l’opportunité qu’a eue Louise : celle de travailler dans un centre pour autistes et d’apprendre sur le terrain le métier d’animatrice puis de monitrice-éducatrice, d’où la VAE. Elle y a acquis une belle connaissance et une véritable aisance dans l’univers de l’autisme.

Quel dommage d’avoir choisi, après l’obtention de ton diplôme, le poste d’auxiliaire scolaire ! Si la motivation n’était pas là, peut-être as-tu eu raison ? Mais…

Les sources de motivation sont variées, il faut ne pas s’y tromper et prendre le temps de bien y réfléchir. Savoir les confronter à la réalité des choses.

On peut faire des erreurs, ce n’est pas grave, mais l’intelligence serait de chercher à ne pas les renouveler, de savoir contourner ou utiliser ses faiblesses.

Si Louise avait, ne serait-ce qu’une fois, dit qu’elle aimait bien les sacs à main, la ganterie, que sais-je encore ? les meubles d’art, alors oui, peut-être qu’une réflexion autour de la maroquinerie mériterait un temps d’arrêt. Mais je ne crois pas que ce soit le cas. C’est sans compter que Louise fabrique, pour son plaisir personnel, des objets de décoration en crochet. Elle aime aussi les coloriages zen. Je veux indiquer là que sa fibre artistique la pousse visiblement vers d’autres matières que le cuir. Alors pourquoi le cuir ? On ne va pas refaire l’histoire ici, ou relisez cet article.

Autre motivation : Parce que ça se passe en Bretagne ? Que tu as envie de t’installer en Bretagne… C’est possible mais…

Alors, je repose ma question : c’est quoi la ou les motivations derrière tout ça ? Prends-tu tes décisions en toute objectivité ?

Bretagne ou pas Bretagne ? Quel intérêt pour toi ? Après quelques années dans le sud, tu voulais te rapprocher de ta famille. Tu dis que tu te trouves bien là où tu es actuellement.

L’artisanat ! On en a déjà parlé. Oui, c’est bien mais ça s’apprend. Et pourquoi la maroquinerie ?

Parce que les propositions sont en Bretagne ? Là, on se refait le film. La Bretagne…

En final, c’est comme un serpent qui se mord la queue car malgré tout ce temps, il n’a toujours pas compris qu’il était un serpent.

J’en profite pour rappeler ici un principe de base, surtout pour les femmes. Souvent, on cherche les raisons de notre énervement, de notre coup de déprime, de notre fatigue, notre envie de tout lâcher. On trouve tout un tas de bonnes raisons qui font que tout va mal. J’ai mal dormi. Mon gosse ne veut pas faire ses devoirs. Ma voiture a besoin d’une réparation. Il faut que je décale mon rendez-vous chez le dentiste. Même pas le temps de refaire ma couleur… Oui tout un tas de choses qui ne vont pas et nous fatiguent. Juste un rappel… Avant de sombrer dans la déprime, demandez-vous toujours si la dernière prise de tête avec votre conjoint (ou conjointe) (ou pire la situation problématique) n’a pas fait plus de dégât dans votre cerveau que vous ne le pensez ! Je sais, la remarque pourrait paraître un peu simpliste, mais c’est souvent le cas. Donc ça vaut bien les deux minutes de réflexion sur le sujet, si ça peut éviter quelques heures de déprime inutiles !

EPILOGUE

Nous nous sommes rencontrées après la rédaction de cet article. Je vous livre ici quelques éléments complémentaires. Louise s’imaginait fabriquant des sacs à main. Louise ne veut plus de charge mentale liée au travail. Louise avait oublié un de ses principes : la cause animale.

Après deux heures de discussion et une bonne balade dans le parc de Rambouillet, je crois bien que la réalité des choses a repris le dessus.

Non, quand on débute dans la maroquinerie, on ne fabrique pas directement des sacs à main, on apprend les bases du métier. On travaille dans un atelier. Et si on a des principes par rapport aux animaux, on ne va pas travailler avec du cuir.

La notion de charge mentale pourrait être résumée à l’ensemble des sollicitations du cerveau pendant l’exécution d’un travail. Ça concerne donc tous les types de métier, quel que soit le niveau de poste. Si on en ressent le poids, et pire si on ne supporte plus ce poids, c’est que cette charge est devenue surcharge, du moins dans l’esprit du porteur. C’est vrai qu’il est temps alors d’intervenir pour se décharger. Mais prendre un nouvel emploi en se disant que l’on veut échapper à toute charge mentale est une erreur fondamentale. Explication à Louise : Si ton patron maroquinier te dit de couper 5 morceaux de cuir. Toi, qui es méticuleuse et assez lente (elle le reconnait aisément) , tu  n’en as fait que 3. En fin de journée, ledit patron te le reprochera. Une fois, deux fois, et l’impression de charge mentale sera de retour !

Louise doit « s’endurcir » pour affronter les réalités. Régler sa situation familiale, aussi sereinement que possible. Ne pas forcément vouloir à tout prix tout changer, déménager, changer de travail, s’éloigner de sa famille, quitter ses amis. Trop, c’est trop. Inutile pour le coup de se mettre une charge mentale supplémentaire sur le dos ! Keep Cool !

Il faut un peu gérer sa vie comme un projet. On réfléchit à ce qu’on veut, on pose des bases, on se fixe un objectif et on avance par étape. Step by step !

Pour le coup, elle a commencé à prendre des cours de couture, et elle a l’air d’aimer. Non ! Louise ! Attention, ce n’est pas pour autant que tu dois t’imaginer couturière… Ce cabas rouge n’est qu’une histoire de débutant… Je ne vous refais pas le topo.

Versailles, Mercredi 27 septembre 2023

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