DES SENIORS ET DES AUTRES
Si faire de l’exercice physique, comme courir par exemple, est bon pour la santé, cela peut être aussi propice à de fructueuses réflexions. « Des seniors et des autres » a revêtu des habits de « PROJET » après une heure d’effort, jusqu’à devenir article après une matinée de réflexion. « 6seniors » coulait de source après quelques méditations sur le fait d’avoir 60 ans en 2024, par conséquent d’avoir eu 20 ans dans les années 1980, et sur une certaine philosophie de vie face à la vieillesse et au vieillissement.
De l’égarement
Courir peut s’avérer épuisant et déclencher des maux de tête, mais si on trouve son rythme de croisière, celui du dimanche matin, tranquille, autour d’un grand bassin faisant face à un magnifique château, ne faisant guère que rappeler l’extrême injustice sociale persistant depuis toujours…
Oups, je m’égare… On recommence !
Courir autour du grand bassin du Château de Versailles est fatiguant, certes, mais tout autant vivifiant, et peut déclencher une série de réflexions parfois utiles, parfois troublantes. C’est ce qui m’arrive quand j’oublie que je cours et que mon cerveau divague vers d’autres horizons.
Ceci étant mon horizon, même s’il n’est pas celui de Pierre Bachelet, illustré de corons et de charbon, reste très fermé et très cérébral et alimente d’interminables récurrences :
De la remise en question sur les choix dans ma vie, ou plutôt sur les résultats obtenus après tant d’années… à la persistance de foncer droit dans de nouveaux projets, projets qui eux-mêmes ne peuvent pas manquer de faire eux-aussi partie de mes récurrences.
En d’autres termes, j’ai beau avoir l’esprit ouvert, ou pour le moins avoir une volonté farouche et tenace de garder mon ouverture cérébrale aussi béante que possible, ça n’empêche que tout ce qui en ressort a un goût de déjà-vu. Et ça, je l’avoue, ça me perturbe, même si je trouve cela finalement très logique et plutôt rassurant : si ça ressort, c’est qu’il y a du bon dans l’idée.
Ça me fait quand même illico plonger dans la remise en question ou plus exactement dans la remise sur table de dissection.
La vérité est que je ne remets plus rien en question. J’accepte tout. Même si j’ai parfois soit l’impression de subir, soit celle de n’être plus capable d’innover.
En même temps, beaucoup d’idées, de projets qui n’ont pas abouti, voire même que je n’ai pas essayé de mettre en place, ressurgissent sans prévenir. Pendant un court instant, ils me piquent par leur nouveauté. Ils boostent mon esprit et réaniment l’envie de foncer dans un projet, dans une entreprise.
Puis – ce n’est pas l’effet soufflé, il y a longtemps que cette règle ne me régit plus – il se produit comme un mélange d’expérience et d’arrière-goût de déjà-vu et de déjà-ressenti, un sentiment profond qui me fait décrypter illico les images que mon cerveau, courant au même rythme que mes jambes (je le rappelle), m’envoie, tout en me faisant croire que tout cela est nouveau.
Non, petit cerveau, ce que tu me dis là, tu me l’as déjà dit, il y a longtemps et il y a souvent. C’est une idée qui est là depuis toujours et que je n’ai jamais fait basculer dans la réalité. C’est une de mes récurrences, ne nous-y trompons pas !
Bienvenue dans le monde des seniors
Mais qu’est-ce que ça fait du bien, ces élans, cette envie d’agir ! Je ne sais si j’irais au bout de ce soi-disant nouveau projet, nouvelle idée, car en final, c’est toujours le même problème ou la même problématique ! Peut-être que ça n’est pas si important que ça.
Alors double dose de réflexion sur la notion de choix au-delà de 60 ans.
Double dose sur la réussite ou non d’un projet, d’une vie !
Double dose sur l’intérêt de continuer d’y croire ou accepter de tout poser et se la couler douce !
Double dose sur la retraite. Pourquoi devrais-je m’imposer et imposer à mon corps une retraite à 62 ou 63 ou 64 ans ? Ok, il y a l’aspect social, l’impact sociétal… Ok ! Ok ! Mais mon corps, à moi, et mon cerveau avec lui, et moi toute entière, on s’en fout des principes et des lois. On sait ce qui est bon ou pas pour nous…
Vous voyez, courir un dimanche matin autour du grand bassin du Château de Versailles, outre de pouvoir déclencher des maux de tête, ce qui m’arrive parfois, et ce qui m’arrive précisément après ce week-end, peut aussi être beaucoup plus conséquent et n’est certes jamais anodin.
Je crois que ma réflexion a été alimentée, ou ranimée, à cause d’un échange téléphonique qui a eu lieu samedi soir. Juste quelques phrases du style : « Elle s’ennuie dans sa vie », « Elle devrait s’investir dans une activité qui lui convienne vraiment, qui lui fasse oublier tout le reste, qui n’appartienne qu’à elle, une activité qu’elle aura choisie », et la sacro-sainte conclusion, rabâchée comme une réalité filante hors du temps, « C’est bien de faire une activité qui soit utile aux autres. Non seulement ça rend service, mais ça a aussi le pouvoir de valoriser la personne, de redonner confiance en soi, d’indiquer un chemin… ». C’est vrai !
Avoir 20 ans dans les années 80
Je courrais donc et à mi croix, mon cerveau s’est déconnecté de mes jambes. Elles, elles ont continué leur effort, tandis que mon esprit se perdait en réflexion.
Je pensais, comment souvent, à l’âge, à la pertinence des choix qu’on a pu faire dans sa vie… Je sais, ça pourrait paraître déprimant de ressasser ainsi, mais d’une part je n’y peux rien, et d’autre part, je ne vous ai jamais dit que ça me déprimait. Non, ça me perturbe et ça m’encombre, certes, mais ça ne touche en rien ni à mon moral, ni à mon goût pour la vie. Et j’espère bien avoir un jour quelque réponse sur le sujet.
Puis j’ai pensé à tous ces gens qui ont mon âge. Je me suis revue, par extension, je nous ai tous revus, connus et inconnus, au lycée, particulièrement l’année du bac. Je revoyais des visages, je ressentais les rythmes de vie, les élucubrations du moment. Toute cette période de vie qui est notre point commun, à tous ceux nés dans les années 60. Non, ne vous y trompez pas à nouveau ! Il n’y a aucune nostalgie. Je n’ai pas trop apprécié, cette période d’adolescence… trop compliquée pour moi ! Quand on se sent déjà un peu décalée… mais c’est une autre histoire !
Je me suis dit que tout compte fait, quand je fais abstraction de la tête que je vois dans le miroir, je veux dire la mienne, et abstraction du regard des autres, y compris de l’entourage proche et moins proche, finalement je suis cette fille de 17 ans qui va passer son bac. Je l’ai toujours été et je le serai toujours.
C’est quoi, ces conneries qu’on nous met en tête ? Il n’y aurait qu’une seule loi concernant le vieillissement des personnes, des corps et des esprits.
Non ! Je regarde souvent les gens dans les transports en commun, particulièrement les personnes âgées, je veux dire très âgées, et je me demande qui elles étaient ados, je cherche à percevoir leur visage de jeune homme ou jeune fille caché sous les rides.
Ça me fait pareil, en regardant un vieux monsieur, assis sur le trottoir, rongé par l’alcool, et mendiant pour quelques sous. Qui était-il ? Quelle tête avait-il avant ? Etait-ce déjà écrit quand il avait 17 ans que sa vie tournerait ainsi ? (C’est un autre sujet… mais forcément qu’arrivé à un certain âge, on a vu des gens grandir et tourner plus ou moins bien, on est donc beaucoup à avoir quelques réponses factuelles sur ce sujet).
Tous ces réflexions se mélangent entre elles. Et je cours maintenant, avec cette image d’une jeune fille de 17 ans, entourée d’autres gens du même âge. 17 ans dans les années 80, ça en fait du monde. Je me dis alors que c’est avec ces gens-là que j’ai envie de parler, ce sont eux que je voudrais capter, parce qu’à un instant t, même si on a eu des vies différentes, des opinions différentes, même si on est différent tout simplement, à cet instant t, nous avons un savoir commun, un ressenti identique.
Pour certains, ça va se traduire par aller au concert Stars 80 et se prendre une bonne gorgée de nostalgie. « Ah, c’était tellement bien avant ! » Perso, ce n’est pas mon truc ! Encore moins mon délire. Mais je comprends l’idée. Ça fait aussi partie de cette idée qu’à un instant t nous partageons ce savoir commun.
Mais je ne voulais pas parler ici d’un retour dans le passé, d’une plongée dans la douceur des souvenirs. Honnêtement, ça ne m’interpelle pas plus que ça. Je pensais plutôt à l’avenir commun que cela crée entre nous tous ! Le lien qui fatalement nous unit, même si ce lien n’est jamais vraiment mis en avant. Je ne parle bien sûr pas ici des liens avec des proches, les amis du passé et autres. Je parle de nous tous, inconnus et inconnues, ayant partagé cette période de vie, de jeune homme et jeune fille des années 80.
60 ans, l’âge magique
Le lendemain, donc ce matin, je me suis dit que j’aime avoir 60 ans. C’est un bel âge, abstraction faite de ce qui a été mentionné plus avant, notamment sur l’esthétique, le physique. On vieillit, et avec ou sans chirurgie esthétique, on ne peut pas le cacher, ni arrêter le temps !
60 ans, c’est magique, car finalement, c’est à cet âge qu’on n’a plus d’âge. Le corps a vieilli certes, mais si on a fait un peu attention, il fonctionne encore pas trop mal, très bien pour certains, plus ou moins bien pour d’autres.
L’esprit est encore alerte, si toutefois on a veillé à ne pas se laisser abuser par des théories et principes menant directement au mode « vieux con » : « Je suis vieux donc je sais tout », « Je suis vieux donc on me doit tout », « Je suis vieux donc j’ai toujours raison », « Les jeunes sont tous des bons à rien », et bien sûr le fameux « C’était mieux avant ».
L’esprit alerte, c’est cette faculté de se dire qu’on doit faire attention à soi, qu’on doit revoir et remesurer ses ambitions et ses capacités à leur juste potentiel, et qu’on a encore et toujours cette impression de n’avoir pas changé. Changé certes, vieilli oui, mais le fond du fond, il est toujours là. C’est ce fameux décalage, comme on dit, entre l’âge dans sa tête et celui de ses artères ou de ses articulations (je ne sais plus comment on dit, mais les deux font l’affaire).
Etre un jeune-vieux en 2024
La course pousse et enflamme ma réflexion. L’idée de trouver un moyen de réunir ces « jeunes-vieux ». L’idée d’échanger sur des sujets, l’idée d’aider aussi ceux pour qui vieillir ne serait pas aussi facile.
Car en fait, la problématique pourrait bien être que dans la réalité, à 60 ans, on ne sent pas « vieux ». On ne se voit pas « vieux ». On ne vit pas « vieux ».
On veut bien nous le faire croire. Au travail, les jeunes cadres ont déjà balayé les quinquagénaires, ils commencent à se moquer un peu du quadra bien mûr. Quant au sexagénaire, s’il n’a pas déjà un poste de manager haut niveau et indéracinable, pour les autres, il est déjà temps de penser à l’après.
Donc halte-là à la réflexion plus approfondie !
Comment réunir des sexagénaires, actuels jeunes-vieux et vieux de demain, autour d’un forum ? Pour quoi faire ?
Comment profiter au maximum de ces belles années que nous avons à vivre, à profiter, à bouffer…. sans se laisser perturber, atteindre, par tout ce qu’on voudrait nous faire ingurgiter comme idée préconçue, jugement, fausse philosophie de vie.
« Tu es vieille, ma pauvre dame ! ». Tu sais ce qu’elle te répond la pov’dame : « Je t’emmerde ! ».
Bon, ok, comme slogan de rassemblement, c’est pas top, mais au moins l’idée est claire et factuelle !
Et puis qui aime courir, physiquement ou virtuellement, me suive !
C’est comme ça que l’idée de 6seniors a pointé son nez.
6seniors
L’idée qui a germé était celle d’un club senior en ligne. C’est vrai qu’on n’a pas forcément envie de se rencontrer physiquement et la distance peut parfois créer des liens plus forts, et surtout garantir plus de liberté d’expression.
Mais c’est bien aussi de faire connaissance… via des caméras… Why not ?
J’imaginais dès lors organiser des séances sportives avec un coach professionnel. J’ai durant quelques dizaines de mètres recensé toutes les personnes autour de moi qui pourraient intervenir en running, pilates, arts martiaux… Oui, ça peut le faire.
J’imaginais des échanges pour accompagner, aider, conseiller, mettre en relation pour continuer à bien vivre, voire améliorer un quotidien débarrassé de beaucoup de poids inutiles.
Je suis une consommatrice de temps libre, ou plutôt fan du libre temps. Mon temps vaut beaucoup plus que de l’argent. Mon temps est ma richesse. Mon temps est ma force. Alors si on peut éviter de le perdre en faisant n’importe quoi …. ou en se négligeant… ça serait déjà très bien ! Gérer son temps libre, mieux qu’on ne gérera jamais un portefeuille.
« Des seniors et des autres » et « 6seniors » se sont affichés en mode banderole cérébrale.
Conlusion : Démarrer ou non le projet
Je me laisse un délai avant de foncer tête basse dans cette aventure. Peut-être bien que si j’ai quelques commentaires sur le contenu de cet article, me lancerais-je aussitôt !
Peut-être bien que comme beaucoup de bonnes idées, celle-ci est déjà exploitée ailleurs, alors tant mieux, au moins ça existe.
Ou peut-être encore que si ça n’existe pas déjà dans la forme que je peux imaginer, ça viendra tôt ou tard ! Vous le voyez, je ne fais pas toujours, mais je ne doute jamais de mes idées.
Qui vivra verra !
Portez-vous bien et A bientôt
Bien Cordialement,
AC Madenn